L'être humain a toujours mangé de la viande.
Il s’agit là d’un sophisme classique, l’argumentatum ad antiquitam (argument d’ancienneté). La tradition, les habitudes en elles-mêmes expliquent mais ne justifient rien. L’ancienneté et la banalité d’une pratique ne sont en rien garantes de sa moralité. Un tel argument fallacieux n’est donc pas recevable dans un débat éthique ou politique. La torture, le meurtre, le viol, l’esclavage, sont ou furent autant de pratiques traditionnelles, culturellement ancrées et largement admises et qui furent ou sont remises en question et dépassées : qui aujourd’hui les jugeraient acceptables du seul fait de leur ancienneté?
Les premiers hominidés, descendants directs de primates vraisemblablement majoritairement frugivores (à l’instar de tous ceux que nous connaissons aujourd’hui), ne touchaient qu’occasionnellement aux cadavres d’autres animaux, ne faisant d’eux que des charognards occasionnels. Ils n’ont été amenés à devenir nécrophages de façon plus régulière qu’à des périodes bien particulières de mouvements de populations et de bouleversements climatiques.
L’image de l’homme préhistorique grand chasseur, carnivore, gourdin sur l’épaule et tirant sa compagne par les cheveux est une construction, un fantasme romantique et viriliste du XIXe siècle, largement nuancé par la paléoanthropologie moderne. D’ailleurs, en quoi les hommes préhistoriques devraient-ils être des modèles en termes d’éthique ? Pourquoi faudrait-il se référer à telle ou telle période ancienne (ou à sa reconstruction fantasmée) en matière d’alimentation, alors que nous ne le faisons pas en matière d’habitat par exemple, puisque nous ne vivons plus dans des cavernes ?
C’est en réalité très récemment, dans les pays occidentaux, que la consommation de viande s’est répandue, accompagnant le mouvement d’industrialisation et l’émergence d’une classe moyenne. Il y a seulement trois générations, la consommation de la viande était réservée aux jours fastes (au même titre que certains fruits aujourd’hui communs mais à l’époque rares, comme l’orange). Non seulement la viande n’est pas indispensable à un bon équilibre alimentaire, mais sa consommation quotidienne est le résultat d’un mouvement économique et social strictement artificiel.