Le végétarisme c'est de la sensiblerie.
« On n’a pas deux cœurs, l’un pour l’homme, l’autre pour l’animal. On a du cœur ou on n’en a pas. » Lamartine
On tente de disqualifier par la dérision (sur fond de virilisme) le positionnement éthique en faveur des animaux non-humains, et ainsi de ne pas examiner le fond du problème. Le végétarien serait un être irrationnel, submergé et dirigé pas des émotions excessives. Puisqu’il refuse la mise à mort d’un être sensible pour son plaisir, alors que le non-végétarien n’y voit rien à redire, il faut donc déclarer le végétarien hypersensible.
La sensiblerie serait une sensibilité excessive, déréglée, qui se dévoieraient en portant sur des objets qui ne sont pas habituellement inclus dans la sphère de la considération éthique et de l’empathie.
L’excès n’existe qu’en relation avec une norme socialement admise. La norme est précisément le carnisme qui pose qu’il est légitime et souhaitable d’emprisonner et de tuer des êtres conscients et sensibles au profit de l’humain. On est en présence d’un raisonnement circulaire qui n’a donc aucune pertinence.
Ce que le végétarisme éthique prône, c’est précisément une évolution de la norme sociale, des représentations et du rapport aux animaux non-humains. A la lumière notamment de la biologie et de l’éthologie moderne, il apparaît plus que légitime de questionner le statut et les traitements couramment infligés aux animaux. Les traditions, cultures, habitudes dans lesquelles s’ancre le carnisme sont des œillères, des mises à distance permanente de la réalité (les animaux sont conscients et sensibles) pour éviter par le déni, la dissonance (mon comportement envers les animaux n’est ni logique ni conforme à mon éthique générale) et la remise en question des privilèges associés à une situation de domination.
«Sensiblerie » sous-entend également que la considération accordée aux animaux non-humains serait indue donc illogique et risible. Pourtant les sciences modernes ont largement démontré la nociception, les capacités sensorielles et cognitives des animaux non-humains couramment exploités et tués au bénéfice de l’humain. D’autre part, l’ampleur (60 milliards d’individus au bas mot par an), l’horreur des conditions d’exploitation, la cruauté de la mort systématisée, l’implacable logique économique dans laquelle le vivant sensible n’est qu’un rouage : tout cela est connu de chacun, sinon soupçonné. Attendu que les animaux non-humains sont conscients et sensibles et que leur exploitation est massive, cruelle et évitable, l’empathie, la considération éthique envers eux n’est en rien indue ni illogique. Il n’y a ainsi rien d’excessif à vouloir préserver autant que possible les êtres sensibles de l’exploitation et de la mort violente.
C’est bien l’exploitation systématique et le carnisme / spécisme qui la sous-tendent et justifient plus ou moins consciemment, qui sont injustes et irrationnels. Seule une minorité de non-végétariens seraient capables d’abattre l’animal dont ils consomment routinièrement la chair, encore moins le feraient devant des enfants.
Les végétariens qui se documentent, visionnent des images parfois insoutenables illustrant les pratiques courantes d’exploitation et de mise à mort, les militants associatifs qui s’infiltrent ou se font embaucher dans les élevages et abattoirs afin d’en rapporter des images et d’informer le grand public, ceux-là ne font pourtant pas preuve de sensiblerie lorsqu’ils se confrontent à une réalité sans fard que la plupart des non-végétariens ne veulent pas voir ou jugent indigne dès lors qu’elle est rendue publique.
Ne pas réprimer sa sensibilité, affronter le déni et les railleries, ne pas faire l’économie d’une réflexion et d’une remise en question dans une société qui admet deux poids deux mesures en matière d’éthique et anesthésie l’esprit critique par le marketing et la communication, ne pas se résoudre à un état de fait, tout cela est plutôt une preuve de lucidité et de détermination que chacun devrait pouvoir exercer.