La réduction de la consommation de viande serait un désastre économique et contribuerait à augmenter le chômage.
Le fait qu’un secteur d’activité procure des emplois n’est en rien une caution éthique. En ce sens, personne ne considérerait acceptable de prôner la guerre dans le but de préserver les emplois dans l’industrie de l’armement.
A chaque époque, les innovations techniques et changements sociétaux ont entraîné la disparition de métiers et filières devenues obsolètes en même temps que d’autres secteurs d’activités se développaient. De toute évidence, le monde ne deviendra pas végétarien du jour au lendemain. La transition vers une société plus respectueuse des être sensibles sera un mouvement progressif. Il conviendra d’élaborer des politiques publiques généreuses permettant d’accompagner au mieux les reconversions industrielles. En effet, il serait injuste de faire peser les coûts de la transition économique sur ceux qui sont les simples exécutants d’une production commanditée par l’ensemble de la collectivité. Il faut par ailleurs noter que les productions animales ne sont aujourd’hui viables que grâce aux subventions massives (nationales et européennes; aides directes et indirectes, campagnes publicitaires). Le contribuable est donc déjà largement sollicité afin de maintenir artificiellement l’illusion d’une viande à bas prix. Malgré cela, les problématiques sont nombreuses : surproduction, baisse des prix, dumping au détriment des pays du sud, endettement des exploitants agricoles.
L’image d’une production paysanne et familiale ne correspond plus à la réalité, malgré les efforts de « communication » des filières. Selon la FAO : « Les tendances actuelles de changement structurel impliquent la probable disparition, à rythme accéléré, des petits éleveurs dans les pays en développement comme dans les pays développés. […] Toutefois, sachant que beaucoup de personnes pauvres s’engagent dans les activités d’élevage faute d’alternative plutôt que par choix, la faillite des petits éleveurs pourrait ne pas toujours être un mal. C’est déjà ce qui se passe dans les pays de l’OCDE ; en général, ce n’est pas considéré comme un problème, et des possibilités d’emploi adéquates existent en dehors de ce secteur. Toutefois, cela devient un problème social majeur si de telles possibilités d’emploi n’existent pas dans d’autres secteurs ; il faut alors mettre en place des filets sociaux de sécurité. Les politiques qui tentent de contrecarrer la tendance de changement structurel, en faveur des petits élevages familiaux, s’avéreront coûteuses. Comme le montre l’exemple de la politique agricole européenne, il se peut qu’elles ne servent qu’à ralentir le processus et peut-être même échouent à le faire. La question cruciale sera de trouver des solutions pour que les personnes concernées puissent trouver un moyen de gagner leur vie en dehors du secteur de l’élevage ou de l’agriculture. »
Les productions animales sont aujourd’hui pour l‘essentiel industrialisées. Les emplois y sont pour la plupart peu ou pas qualifiés, physiquement et psychologiquement éprouvants. Ces emplois sont bien souvent plus subis que choisis : fort taux de rotation du personnel, forte concentration des populations défavorisées. La brutalité inhérente à l’environnement, aux méthodes et aux finalités de leur travail, affecte durablement des travailleurs contraints de s’endurcir. Le récent documentaire « Entrée du personnel » (Manuela Fresil, 2013), recueille les témoignages d’employés de grands abattoirs, subissant de plein fouet un environnement industriel déshumanisant et des conditions de travail sans cesse dégradées :
« Au début, on pense qu’on ne va pas rester. Mais on change seulement de poste, de service. On veut une vie normale. Une maison a été achetée, des enfants sont nés. On s’obstine, on s’arc-boute. On a mal le jour, on a mal la nuit, on a mal tout le temps. On tient quand même, jusqu’au jour où l’on ne tient plus. C’est les articulations qui lâchent. Les nerfs qui lâchent. Alors l’usine vous licencie. À moins qu’entre temps on ne soit passé chef, et que l’on impose maintenant aux autres ce que l’on ne supportait plus soi-même. Mais on peut aussi choisir de refuser cela. »
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