La solution ne serait-elle pas d'améliorer les conditions, renforcer les contrôles, durcir les critères ?

D'une manière générale, il est toujours préférable de choisir le moindre d'entre deux maux. Cela ne signifie pas pour autant que le moindre des deux maux soit moralement acceptable. Dans la mesure où un mal est évitable, la seule position éthiquement cohérente est de s'abstenir de le commettre ou de le commanditer.

On peine déjà à faire appliquer les réglementations minimales en terme de bien-être animal, les contrôles sont rares (et souvent complaisants) et les moindres avancées sont extrêmement difficiles à obtenir. On voit mal quelle volonté politique et quels moyens financiers permettraient de garantir le « bien-être » de millions d' animaux-objets, de la naissance à l'abattage. Dans la pratique, très peu de gens pourraient s’offrir des produits d’origine animale fabriqués d’une façon qui augmenterait sensiblement la protection des intérêts des animaux, et quiconque consentirait à payer ce coût sensiblement plus grand se soucierait probablement assez des animaux pour ne plus consommer du tout de produits d’origine animale. En outre, étant donné les réalités économiques, même si les normes de bien-être étaient sensiblement augmentées quelque part, la demande du public pour des prix plus bas perpétuerait l’existence des produits d’origine animale méprisant ces normes, mettant les producteurs partisans d’un plus grand bien-être hors du jeu économique, sinon, peut-être, pour servir une très riche clientèle.

Le réformisme ne fonctionnent pas dans la pratique. Aux yeux de la loi, les animaux restent des biens meubles. Étant donné ce statut et la réalité des marchés, la protection offerte dépassent rarement le niveau de protection nécessaire à une exploitation des animaux économiquement performante. En d'autres termes, nous ne protégeons les intérêts des animaux que lorsque nous en retirons un bénéfice dans la conduite de l'élevage, au plan économique, marketing ou psychologique. Un animal qui est assommé causera moins de blessures aux travailleurs et sa carcasse présentera moins de dommages et la bonne conscience du consommateur sera préservée. Ces animaux ont de nombreux autres intérêts, dont celui d’éviter la douleur et la souffrance en dehors du seul moment de l’abattage, mais ces intérêts ne sont pas protégés parce qu’il n’est pas économiquement rentable de le faire.

L’idéologie du bien-être animal – autrement dit la théorie selon laquelle il est acceptable de consommer de la viande dans la mesure où les animaux sont traités « avec humanité » – est à l’œuvre depuis 200 ans. L'exploitation des animaux n'a pourtant jamais été aussi massive, terrible et implacable qu'elle ne l'est aujourd'hui.

D'après Gary Francione

 

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