Pourquoi se préoccuper du sort des animaux alors qu'il y a tant d'êtres humains qui souffrent ? 

Sous-entendu: il est indécent de consacrer temps, moyens et énergie aux animaux tandis que beaucoup d'être humains souffrent. Il s'agit du classique "sophisme du pire". Il consiste à dire que « X » n’est pas un problème dans la mesure où il existe « pire que X ». On doit donc concentrer toute son énergie à la résolution de  « pire que X ». La question qui se pose est : que faites-vous donc de si important pour les êtres humains qui justifie votre soutien à l'exploitation brutale et au gaspillage de ressources que constitue le régime standard ?

Le mouvement pour les droits des animaux fait partie intégrante du mouvement pour les droits humains. Droits des animaux humains et non humains ont les mêmes fondements rationnels et sont de la même substance morale. De fait, les végétariens et défenseurs des animaux sont d'une manière générale très sensibles et bien informés au sujet des grands enjeux de société. Certains militent aussi activement dans le cadre d'associations humanitaires, en faveur des minorités humaines et contre toutes les injustices. Ainsi, l'un des premiers grands défenseurs des animaux, William Wilberforce, fondateur de la SPA britannique au XIXeme siècle, mena campagne sa vie durant contre l'esclavage des noirs.

Cela dit, dans le cadre des activités d'utilité publique, la spécialisation et le partage des tâches apparaît aussi raisonnable que nécessaire. Ainsi, personne ne reprochera à une agence pour l'emploi de ne pas consacrer son temps et les moyens dont elle dispose à s'occuper des personnes en fin de vie par exemple. Considérer qu'il est indécent de s'occuper des animaux tant qu'un seul être humain est en souffrance est aussi illogique qu'impraticable. Un tel raisonnement reviendrait à dire qu'un médecin ne devrait plus soigner la grippe au motif qu'ailleurs on souffre autrement plus d'un cancer ; ou encore qu'il ne faudrait pas combattre les inégalités hommes-femmes dans notre société, au motif que la situation est bien pire sous d'autres cieux.

En pratique, la défense des causes humaines et animales ne sont pas mutuellement exclusives. Rien n'oblige à consommer des produits de l'exploitation animale pour venir en aide aux sans-logis ou aux enfants du Tiers-Monde par exemple. Rien n'empêche de s'engager pour des causes humanitaires et en faveur de plus de justice sociale tout en boycottant les produits issus de l'exploitation animale. Un régime végétarien ne prend pas plus de temps qu'un régime standard. Il permet d'ailleurs de réaliser une économie substantielle de ressources (céréales, eau, terres, énergie), si précieuses aux plus démunis.

Opposer la priorité des problèmes humains (en instrumentalisant au passage la misère d'une catégorie de personnes) apparaît bien souvent comme un prétexte agité par ceux qui n’entreprennent rien pour personne, mal à l'aise face à l'engagement militant. A ce titre, certains engagements humanitaires font aussi les frais de cette mauvaise foi teintée de culpabilité. Il convient de s'attaquer à toutes les injustices de front et de concert.

D'ailleurs, comment juger de l'urgence et de la gravité d'un problème sans se donner la peine de s'informer véritablement, alors que la parole publique dominante et la mythologie publicitaire cherchent à l'occulter ? Si le critère doit être le nombre d'individus maltraités ou tués, les 60 milliards d'animaux abattus par an (1 milliard pour la France seule) font d'emblée de la question animale l'une des plus préoccupantes. Si le critère doit être le caractère fondamental des intérêts lésés, là encore, avec l'élevage concentrationnaire, la cruauté des expérimentations biomédicales, la souffrance et la mort systématisées, les animaux subissent un traitement bien pire que n'importe quelle minorité humaine (traitements d'autant  plus indécents qu'ils pourrait aisément être évités). On le voit, le raisonnement est absurde. Concrètement, ce n'est pas d'une hiérarchie des valeurs ou d'une autre moralité dont nous aurions besoin pour les animaux : nous devons simplement cesser de cautionner par notre consommation quotidienne des produits issus de leur exploitation, leur exclusion arbitraire de la moralité existante.

 

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