Pourquoi défendre les « droits des animaux » ?

Si la morale courante de même que le code rural tendent aujourd'hui à considérer les animaux non humains comme des être sensibles, leur exploitation systématique va encore de soi. De fait, ils sont traités d'une façon dont nous n'estimerions pas légitime de traiter des êtres humains. Leurs intérêts même fondamentaux peuvent ainsi être routinièrement sacrifiés à l'intérêt alimentaire, vestimentaire, cosmétique, ludique ou économique de l'être humain, y compris lorsque cela serait largement évitable.

Dire que l'esclavage a été aboli ne signifie pas que l’esclavage humain n’existe plus. Mais plus personne ne le défend comme l’on défend d’autres formes de discrimination et d’exploitation : nous considérons que chaque être humain a le droit légal et moral de ne pas être un esclave, traité comme une propriété ou une ressource. De la même manière, en revendiquant des « droits » pour les animaux, on cherche à obtenir la reconnaissance de leurs intérêts propres et leur protection directe et effective.

Il s'agit en  étendant les droits moraux aux animaux de s'assurer que l'on ne puisse systématiquement sacrifier les intérêts de ces derniers aux intérêts humains autrement que dans les situations et suivant les principes qui justifient que l'on sacrifie les intérêts de certains humains aux intérêts d'autres humains. Or la discrimination qui frappe les animaux non humains en la matière est irrationnelle et arbitraire. Dès lors qu'on admet qu'il n'est pas juste de traiter les humains les plus faibles comme des marchandises, il ne peut par conséquent pas être juste de traiter d'autres animaux comme s'ils étaient des outils ou des ressources à la disposition de l'humain.

La condition nécessaire et suffisante pour avoir des intérêts et donc des droits doit  être la sensibilité, entendue comme capacité à souffrir et à jouir. Si un être est sensible, c'est-à-dire en mesure d'éprouver de la peine et du plaisir, alors il a des intérêts et donc devrait avoir accès à la sphère de la considération éthique. Ainsi ses intérêts doivent êtres évalués de la même manière que les intérêts analogues de tout autre être. De même que la couleur de la peau, l'appartenance à une espèce plutôt qu'à une autre, n'est en soi  pas un critère moralement pertinent.

On ne peut logiquement faire de caractéristiques supposées propres à l'être humain (rationalité, langage, humour, sens du sacré...) un critère de discrimination. D'une part les êtres humains en sont inégalement pourvus. Personne pourtant ne soutiendrait qu'il est légitime d'emprisonner, maltraiter ou tuer un petit enfant ou un handicapé mental, pour la seule raison qu'il manquerait de rationalité ou encore de sens artistique. Car bien évidemment ces critères n'ont aucune pertinence morale. Dans la mesure ou ces êtres ont la capacité d'éprouver douleur et plaisir et que leur propre existence leur importe, il doivent disposer du droit à n'être pas maltraités ou tués. De même pour les animaux non-humains. D'autre part la biologie darwinienne a montré que les différences entres animaux humains et non humains sont de degrés et non de nature et les observations de l'éthologie moderne ont largement nuancé l'idée d'un «propre de l'Homme ». Seules la force des traditions et un chauvinisme anthropocentré permettent encore de nier l'évidence.

Les partisans des droits des animaux cherchent donc à substituer la qualité d'être sensible (ou sentience) comme condition nécessaire et suffisante à l'attribution de droits moraux, au critère infondé et arbitraire de la seule appartenance à l'espèce humaine.

 

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