Les animaux n'ont pas de conscience.

Sous-entendu: « dans la mesure où les animaux n'ont pas de conscience, il est acceptable de les traiter comme bon nous semble, c'est à dire comme de simples ressources à la disposition de l'humain ».

La conscience serait la faculté mentale qui permet d'appréhender de façon subjective les phénomènes extérieurs ou intérieurs et plus généralement sa propre existence. Il s'agit d'une notion complexe explorée par les neurosciences, la psychologie, la philosophie ou encore l'éthologie. Par biais anthropocentrique, on la réduit couramment au sens de « conscience réflexive » ou « conscience de soi ». Elle serait l’habileté à avoir une expérience consciente dont l’existence et le contenu peuvent faire l’objet d’une réflexion consciente. Affirmer que les animaux non humains n'ont « pas de conscience » pose des problèmes logiques et empiriques. D'ailleurs, des neuro-scientifiques de premier plan ont conjointement émis la récente Déclaration de Cambridge qui affirme que « des données convergentes indiquent que les animaux non-humains possèdent les substrats neuro-anatomiques, neurochimiques et neuro-physiologiques des états conscients, ainsi que la capacité de se livrer à des comportements intentionnels. Par conséquent, la force des preuves nous amène à conclure que les humains ne sont pas seuls à posséder les substrats neurologiques de la conscience. Des animaux non-humains, notamment l’ensemble des mammifères et des oiseaux ainsi que de nombreuses autres espèces telles que les pieuvres, possèdent également ces substrats neurologiques. »

Le simple bon sens suffit à concevoir la plupart des animaux comme des êtres conscients. Lorsqu’un chien voit un autre chien recevoir une friandise, il est conscient que ce n’est pas lui qui reçoit la friandise et en réclame une à son tour. Lorsqu’un animal perçoit un autre animal courir ou grimper dans un arbre, il sait bien que ce n’est pas lui-même qui court ou grimpe. Lorsqu’il fait l’expérience de la douleur, il est nécessairement conscient que ces expériences lui arrivent à lui et non pas à d’autres animaux.

Certes les humains (et certaines autres espèces) peuvent se reconnaître dans un miroir. Mais les chiens peuvent reconnaître leur propre odeur (ainsi que l'odeur de nombreux autres individus) dans un buisson qu’ils ont visité plusieurs semaines avant. Il s'agit de formes de conscience de soi différentes (dont certaines sont inaccessibles à l'être humain). Il est tout à fait arbitraire de poser un type de conscience comme moralement pertinent et supérieur.

La conscience est souvent évoquée parmi d'autres capacités (cognitives pour l'essentiel) prétendument spécifiques à l'être humain et qui tracerait la limite entre humanité et animalité. Ainsi, la moralité traditionnelle identifie depuis toujours les critères retenus pour fonder le statut de patient moral et ceux que l’homme utilise pour se distinguer de l’animal. C'est la construction culturelle d'un « propre de l'Homme » et son application discutable au domaine de l'éthique, largement nuancées par les sciences modernes. Que les animaux non humains aient des intérêts plus limités ou différents de ceux des humains, ne signifie pas qu'ils n'ont pas d'intérêts du tout et n'a aucune pertinence quant à savoir s'il est moralement acceptable de les manger ou de les exploiter de quelque manière que ce soit. De la même manière qu'un être humain mentalement déficient ne pense qu'à satisfaire ses besoins élémentaires peut logiquement justifier qu'on lui refuse le permis de conduire ou le droit de vote, mais en aucun cas que nous puissions disposer de lui selon notre bon vouloir et en faire l'objet d'expériences biomédicales par exemple.

Toute tentative qui vise à justifier le traitement des animaux comme des ressources en se fondant sur le fait que les animaux ne présentent pas les caractéristiques cognitives supposément exclusives à l’être humain doit d’abord expliquer pourquoi certaines caractéristiques humaines seraient « spéciales » au point de justifier un traitement discriminatoire. Seuls les humains (certains) peuvent écrire des symphonies, mais seuls les non humains peuvent voler ou respirer sous l’eau sans assistance. Ce qui rend nos caractéristiques spéciales est, bien sûr, le fait que nous le disions. Mais, mise à part cette position évidemment anthropocentrique, il n’y a aucune raison de conclure que les caractéristiques que l’on croit exclusives à l’humain peuvent servir de justification non-arbitraire pour traiter les animaux comme nos outils de laboratoire (Gary Francione).

La seule raison qui permet d'expliquer notre décision de traiter différemment les animaux est que le seul critère d'appartenance à l'espèce humaine justifie la discrimination, l'exploitation, la torture et la mort. Ce positionnement bien que répandu n'en est pas moins une construction culturelle auto-entretenue dont les ressorts ne sont guère différents de ceux du racisme ou du sexisme. En effet, le racisme revient à décréter que : bien qu’il n’y ait pas de caractéristique spéciale possédée seulement par les blancs ou encore aucune déficience chez les noirs qui ne se trouve pas aussi chez les blancs, nous pouvons traiter les noirs comme des êtres inférieurs aux blancs, simplement sur la base de la race. Le sexisme revient à décréter que : même s’il n’y a pas de caractéristique spéciale possédée seulement par les hommes ou aucune déficience qui ne se retrouverait que chez les femmes, nous pouvons traiter les femmes comme des êtres inférieurs aux hommes seulement sur la base du genre.

Pour aller plus loin:

http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article228

http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article282

http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article283

http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article63

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